LA FESSE QUI CACHE

Un contrepet bienvenu
Un contrepet bienvenu

 

 

 

 

Ce que j'ai pu en comprendre, 

vu d'ici.

 

 

 

 

 

 

 

J'ai quitté la Belgique "pour de bon" au tout début de 2005.

A l'époque, s'il faut en croire la rumeur populaire, deux professions vous payaient toujours en liquide: les restaurateurs et les bouchers. Comme je n'ai jamais rien vendu et que je n'ai jamais exercé de profession libérale en privé non plus (ou si peu), je ne peux apporter foi à cette affirmation.

 

Ce qui paraît certain, en tout cas, c'est que cette époque est révolue dans l'horeca (CHR en France).

En Italie, c'est déjà en 1980 que le fisc - chez nous, connu sous le doux nom de SPF Finances (= Service Public Fédéral), pour faire simple - a introduit des caisses enregistreuses avec mouchard permettant en théorie de garder la trace de tout repas commandé. Ensuite, on la vit apparaître à Malte, au Québec, au Bengladesh, en Turquie ....  etc puis au Zimbabwe et en Suède! 

 

Courant 2016, 17.000 à 19.000 établissements belges devaient y passer, sous peine de très lourdes amendes - qui ont effectivement été prélevées (1.500 € pour une première constatation d'absence, puis 3.000 euros en cas de deuxième contrôle et enfin 5.000 euros pour les suivants). 

 

Coume Majou ne se pose pas en donneur de leçons et la lutte contre la fraude me paraît raisonnable, à tous les niveaux. Toutefois, je souhaite vous livrer, sans prendre parti, des considérations générales. A vous de réagir.

 

Seuls les restaurants au C.A. de plus de 25.000 € par an sont concernés. Comment exister à moins? 

Seuls les établissements tirant leur revenu de la vente de nourriture pour au moins 10% de leur activité sont concernés.

Seules les denrées taxées à 12% de TVA sont concernées (usine à gaz).

Les hôtels et chambres d'hôtes ne sont pas touchés.

 

Après un an - on ne va pas ergoter - de fonctionnement, que me dit un importateur de vin?

Il a maintenu le C.A. de l'année d'avant, mais en doublant sa force de vente. Il va se séparer d'un certain nombre de fournisseurs (peut-être de moi aussi) dont la rotation des vins n'est pas suffisante. Il constate une diminution vertigineuse de la demande pour les vins de France et notamment le Bordeaux, remplacés par des vins beaucoup moins chers venus d'ailleurs. Les restaurateurs tentent de combler la perte (voir plus bas) de leur bénéfice en augmentant (encore !) la marge sur le vin. Au lieu de vous vendre 40 € un Sancerre (acheté 10 € HT), ils vous vendent toujours 40 € un sauvignon venu d'ailleurs et acheté 4,50 € HT. Ceci n'est qu'un exemple fictif (mais bien réaliste et illustratif) de ce qui se passe.

 

Notons au passage que le supplément réel de gain est faible (5,50 €) dans mon exemple mais c'est un métier où on a appris à raisonner plus en terme de pourcentage qu'en terme de bénéfice réel : ils "font" ainsi à leurs yeux "fois 8" au lieu de "fois 4", ce qui n'est bien entendu qu'une vue de l'esprit. De même, si vous payez la belle langoustine crue 1 euro ou 2 euros pièce sur une assiette à 30 euros, la différence n'est pas énorme. C'est tout le reste qui vous augmente les coûts. Et pourtant, on vous ressasse toujours l'argument du "coût de la matière première". 

 

Sur ce sujet, je suis juge et partie. Je regrette bien évidemment que la marge sur le vin et les autres boissons alcoolisées soit si élevée. Je suis PERSUADE qu'on en vendrait plus si ce n'était pas le cas. En même temps, la nouvelle caisse enregistreuse ne concerne pas directement ces boissons (TVA plus élevée) mais, comme exposé, c'est par elles qu'on tente de minimiser l'impact sur la survie de l'entreprise.

 

Ensuite, je voudrais , SANS AUCUNE AMBIGUITE, prendre la défense du milieu de la restauration.

Tout d'abord, une partie substantielle d'entre elle fournit des efforts énormes pour vous élaborer des assiettes goûteuses, avec des produits de qualité et au travers d'un service agréable et attentif. Je rappelle en passant que ma fille Virginie appartient à cette branche et y participe avec enthousiasme.

Les propriétaires, les chefs, le personnel, celui de derrière le passe-plat autant que celui de la salle, tout le monde effectue des horaires plus que complets, à des heures pas possibles et tout au long de l'année.

La formation est ardue, souvent injuste et tatillonne, les "anciens" se vengeant sur les plus jeunes des brimades qu'ils ont eux-même endurées. Et les contrôles sont incessants, surtout si vous ne profitez pas de "protection". En outre, ce que j'appelle les "parasites", critiques gastronomiques, guides gourmands, journalistes, publicitaires ... etc les harcèlent en permanence.

 

Ce métier arrivait à peu près à équilibrer les comptes en Belgique, et à payer son personnel, jusqu'à présent. Depuis l'arrivée de cette caisse, la corde se rompt à de nombreux endroits (faillites et dépôts de bilan, diminution du personnel, diminution du nombre de jours d'ouverture ou des horaires, diminution de la diversité de la carte ...). 

 

Vous me direz que si une profession ne survit que grâce au "black", c'est qu'elle est mal embouchée. Je ne vous répondrai qu'en signalant que c'est vrai pour presque toutes les autres et que c'est la caractéristique de toute la société capitaliste: les vrais actifs "paient" pour ceux qui profitent du système (de plus en plus nombreux) par en-bas, et surtout par en-haut. Ceux d'en-bas, nombreux, reçoivent une aumône pour se taire (et ce sera encore pire avec l'allocation universelle) et ne pas faire la révolution. Ceux d'en-haut, peu nombreux mais ô combien favorisés, exploitent tous les autres en ne faisant RIEN, si ce n'est posséder le capital, les actions et le droit de vote aux conseils d'administration. Ils mènent une vie de satrape sur notre dos.

 

Finalement, la "théorie du complot" comme je la conçois* est une fois encore en marche. L'agro-alimentaire souhaite se défaire de tous les "petits restaurateurs" qui achètent des oeufs frais, du vrai fromage, du vin sain, de la volaille fermière etc  ...  en ne gardant que des "grosses machines " à sa solde. On n'aura bientôt plus le choix qu'entre les cantines d'entreprise et de collectivité, la malbouffe du mainstream (marques, chaînes, brasseries gigantesques ...) ou alors quelques rarissimes "trois étoiles" réservés à la nomenklatura où on n'entrera qu'en montrant patte blanche. 

 

Maintenant, à vous de choisir votre camp.

 

 

* Par "théorie du complot", j'entends les mécanismes spontanés, intriqués, qui font que le milieu de l'industrie, de la chimie, de l'agro-

   alimentaire, de la banque, de la bourse construisent patiemment un monde qui favorise le banal, le standardisé

   et le stéréotypé (plus facile et moins cher à produire) plutôt que la petite structure. Il ne s'agit pas - du moins je le pense -

   de la volonté délibérée d'un petit groupe de personnes, les "cent familles" de la légende. Par contre, c'est vrai que les 

   "possédants", sans doute à peine quelques milliers de personnes dans le monde, se serrent les coudes, contre nous tous.

   Je suis évidemment favorable à leur élimination pure et simple, physique s'il le faut, ou plus douce si jamais c'est possible.

 

 

 

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