DU ROUGE?

A la façon de Souiages
A la façon de Souiages

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Chez Mme Civale, où le noir est couleur*

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Je sais, je pourfends d'ordinaire  l'hérésie qui consiste à imposer du vin rouge sur le fromage, à plus forte raison lorsqu'il s'agit de chèvre ou de brebis. Maintenant, chacun fait ce qui lui plaît, plaît, plaît ...

 

Cette fois, le rouge est notre vieux carignan de la Loute, aux tanins fins et à l'acidité marquée, tout délicat dans ce millésime 2013. Lui ne fait pas tache dans cette nature morte, même s'il peut en faire sur la nappe. Et l'association à réussir est celle avec l'huile d'olive "fruité noir" élaborée pour Christophe Comes et sa compagne (La Galinette) par un moulin situé à Millas, au départ des fruits qu'il ramasse dans l'oliveraie récemment acquise sur la commune du Soler. Il en produit quatre qualités: (i) une huile d'olivière pure, extrêmement élégante, (ii) un assemblage de quatre variétés, très ample et savoureuse, (iii) une huile de récolte précoce, de type "verte", au départ de l'incontournable picholine et (iiii) une huile "comme à Nyons", au fruité noir, triturée au départ de fruits cueillis les 31 décembre et le 1er janvier, violet bien foncé, dans la grande tradition provençale. Cette dernière exhibe même des arômes rappelant la fraise des bois, ou au moins la mara ou ... la Tagada! Est-ce arriba, venga ou bien Haribo

 

La picholine - dont on pense que le nom provient de la commune de Collias, à côté du Pont du Gard, où régnait le très bon chef Jérôme Nutile (MOF), ancien client à nous à présent émigré vers Nîmes. - est une excellente olive à huile, mais je pense que les P.O. ont tort de vouloir l'imposer comme variété unique pour leur AOP. L'huile d'olive n'a de sens en France que si on veut en faire un sommet de gamme, et donc un aliment cher, n'en déplaise cette fois à Jean-Luc. Comme lui, je soutiens clairement la rue, mais pas quand elle se rabaisse au plus commun, pour se bâfrer de quantité. J'aimerais un "élitisme pour tous" et je serai heureux lorsque toutes les cantines scolaires proposeront de la "bonne bouffe". Il existe de très bonnes huiles courantes en Italie, en Grèce, en Crête, en Tunisie, en Andalousie, au Tras-os-Montes, en Alentejo ... ailleurs encore, et ces agriculteurs ont le droit de vivre. La rareté des arbres, les conditions climatiques particulières, la mouche, le coût élevé de la main d'oeuvre en France poussent vers des huiles de très haut niveau. Celles de la marque Hort sont de celles-là. Et la possibilité d'assembler des huiles concourt à la créativité et à la qualité. Ce n'est que mon avis, mais je le partage.

 

Enfin, la Loute fit merveille aussi lorsque je mangeai un peu de cette excellente confiture de myrtilles confectionnée par notre voisine, Mme Rouge, après sa cueillette savoyarde de baies garanties arrosées au pipi de renard, les meilleures grâce à l'intervention aromatique des larves d'échinocoque. La tome de Saint-Laurent-de-Cerdans - production belgo-vallespiroise du jovial Guido Collin -  est élaborée depuis des décennies par un Flamand ayant acquis, "à la bonne époque", plus de cent hectares de parcours pour ses biquettes au Couloumé.

 

Notons que la "formule huit services" de Christophe Comes, offre gastronomique exemplaire et imbattable de notre département, retient presque toujours, avant le pré-dessert et le dessert, une lamelle de tome de brebis, diversement présentée. Cette fromagerie-là, un peu à l'extérieur de Thuir (le pays du Byrrh), produisait jadis des fromages très (trop) forts en goût, excessifs dans mon opinion. Ils avaient un côté "beurre rance" trop prononcé et leur affinage était marqué par le staphylocoque, comme un Livarot ou un Munster "avancés". Moi, je ne les aimais pas du tout. Je ne sais ce qui a changé, la direction ou bien l'agronome qui les conseille, mais cette tendance a nettement diminué, sans disparaître totalement. Leur production me permet de vous narrer mon anecdote "qui tue". "Attendez, vous allez vous maw-rer!"

 

Alors que je revenais d'un petit séjour près de Lacq pour le compte d'In Vino Veritas, au cours duquel j'avais été reçu comme un hôte de marcq (j'ai osé!) par Henri Ramonteu, Jean-Bernard Larrieu, Georges Brubaché et Charles Hours en succession - excusez-moi du peu - j'avais perdu mes pas dans la salle (forcément) du marché couvert de Pau. Un petit vieux au béret basque (re-forcément) m'avait proposé de la tome de brebis. Lui ne parlait que le béarnais, moi très peu. J'ai fini par comprendre: "Je vous la fais à 6000" ou quelque chose d'approchant, voulant dire 60 nouveaux francs du kilo (15 euros). Ce n'était pas bon marché mais la roue était exceptionnellement savoureuse, très affinée. Et hop, dans le sac-à-dos! C'est en prenant mon porte-monnaie pour régler deux ouvrages de littérature occitane que je ramenais à une amie que j'ai découvert l'étendue de la palette du fromage: toute la clientèle du libraire s'est retournée sur moi dès l'ouverture du sac. Deux heures plus tard, ayant à nouveau perdu mes pas à l'aéroport, j'ai glissé le sac-à-dos dans l'espace réservé aux bagages au-dessus de nos têtes, à côté des masques à oxygène. Le vol s'est bien passé, sans aucune nécessité d'avoir recours à cet accessoire.

 

 

Toutefois, l'arrivée à Paris (Le Bourget, je crois) fut plus mouvementée après l'arrêt des réacteurs,

dès l'ouverture de cet emplacement à bagages: mes compagnons de vol se précipitèrent immédiatement

sur les masques à oxygène, frappés de plein fouet par la tome paloise! 

 

 

*: fait allusion à une propagande pour le Portugal, placardée un peu partout en Belgique: "Le Portugal, pays où le noir est couleur".

 

 

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