Jusqu'à la coda,
je vous parlerai de la kora.
Les populations de l'Afrique de l'ouest appartiennent au groupe ethnique des Mandés. Parmi eux, les Mandingues - Bambaras du Mali, Dioulas ivoiriens et burkinabé, Malinkés du Sénégal, de la Gambie et de la Guinée - constituent un groupe linguistique mais aussi culturel distinct et assez homogène. C'est chez eux que les griots manient la kora comme Ferrero utilise les griottes.
Cet instrument curieux, bâti autour d'une calebasse recouverte de peau et percée de trois orifices - une ouïe supéro-latérale et deux passages pour le manche - permet de tendre un nombre variable de cordes (jusqu'à 32 dans certains cas). A l'origine, aux confins de la Guinée du nord et du Sénégal méridional, il y en avait 22. Le premier virtuose mythologique de l'instrument s'appelait Jali Mady "le rouge" - non, pas toi, Dany - et c'est à sa mort, par respect, qu'on a enlevé l'une d'elles. La plupart des musiciens se servent donc d'une kora à 21 cordes. Toutefois, dans sa région natale, le modèle à 22 boyaux est encore fréquent et c'est au départ de cet instrument, après une adaptation moderne (corde de harpe plutôt que boyau, mécanisme de clé en métal, microphone capteur ...), que Seckou Keita nous offre ses mélodies empreintes de nostalgie et, bien évidemment, de groove, quoi que vous entendiez par ce terme.
Je crois que c'est chez feu le dépositaire d'Harmonia Mundi à la rue de l'Ange - tout moi, ça - que j'avais acheté ce magnifique opus. Son son ressort bien bien au travers de mes Nikita-tas. Je l'ai fait jouer- comme on disait - dans le bolide à Christine (6 HP d'assez bonne qualité et bien disposés, envers nous en tout cas) et elle a été emballée, alors qu'il ne lui faut pas trop de musique en voiture d'habitude. Enfin pas plus tard qu'hier, c'est ma mozarto-wagnéro-neworleansienne de mère qui l'a apprécié.
Je vous en parle donc, pensant que ces compositions répétitives (d'où la possibilité de groove), soutenues le plus souvent par une espèce de continuo, pouvaient constituer de la zizique "tous tympans".
En outre, la voix suave de l'artiste - similaire à celle de Youssou 'n Dour pour mon oreille d'Européen - vient ajouter un charme mélancolique à certains morceaux.
Comme il le conseille dans le livret, il m'arrive d'entrer en communion
avec les esprits autour de moi (moustiques, phlébotomes, cigales et grillons)
et de me laisser pénétrer (si si) par les vibrations des 22 cordes.
Pas besoin de grigri magique, j'ai mon griot harmonique.
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