PAS DE FORESTIERE POUR BENJAMIN

Le matin, je m'éveille en lisant ...
Le matin, je m'éveille en lisant ...

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Prête à démarrer en direction du sud,

Mina en profite pour lire

quelques pages de plus.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Mes fidèles ont compris que de Coxyde à Pécrot, où ce n'est pas la SNCB qui la conduit, pour une fois - et on imagine aisément pourquoi - et ensuite de Pécrot à Jodoigne en passant par le square Van Gehuchten (qui est en fait ovale), Mina a beaucoup voyagé, ainsi que ses souliers. Je lui avais dit qu'on logerait "du côté de Valence" et non pas au quai Conti. Pour cette dernière allusion, seuls les initiés me suivront: ne perdez donc pas votre temps en recherches (oh, poussé!).

 

En fait de Valence, c'est en Ardèche, sur l'autre rive du fleuve et plus près de La Voulte, que j'ai garé le bolide à Christine, devant le Carré exactement, pas à côté. Et c'est là même que ma mère attend avec une impatience contrôlée et sans dérapage que ledit véhicule l'emmenât vers sa bergerie franquienne. Mais nous relaterons cet épisode fascinant de la vie d'une sainte plus tard.

 

Entretemps, Olivier Samin, sa femme, Franck et Benjamin, secondés par toute l'équipe, s'étaient occupés de nous. Pour le menu, c'est ICI. Sauf que la cuisine, et surtout son chef à vrai dire, nous ont proposé de remplacer ma queue par une "caillette". Enfin, au-delà de cette formulation maladroite, vous voyez ce que je veux dire. This was an offer we couldn't refuse. D'ailleurs, le conseil du sexagénaire installé que je suis est de toujours suivre les suggestions d'un bon chef: c'est ce qu'il a envie de préparer pour vous, parce qu'il a pu se procurer des ingrédients de premier choix, parce que c'est la saison et parce qu'il est in the mood.

 

La caillette, tout d'abord: ce chef-d'oeuvre de la gastronomie sud-ardéchoise est en fait une crépinette au vin blanc, à la blette (ou au chou) et au hachis légèrement aillé. La nôtre, elle, s'intitulait "retour de chasse". Je pense que la farce contenait un peu de porc, pour la lier, mais c'est le sanglier, le foie gras et surtout le lièvre qui lui donnaient son goût dominant. Ajoutez-y une espèce de petite quenelle (Dieu soit donné) de champignons, en fait une pommade des bois disposée en forme d'obus à double ogive, pour plus d'explosion gustative: boum! 

Ce plat fut tout simplement magique. Il faudrait un critique gastronomique à part entière, bien gras et dodu, pour pérorer et gloser là-dessus. Moi, plus banalement honnête homme, qualité incompatible avec la susdite profession, je vous dirai simplement que c'était délicieux. Ma mère nous a fait remarquer que sa mère à elle, Bobonne, qui m'a élevé, en aurait avalé quatre comme cela. Ce n'est pas certain, en dépit de l'appétit féroce dont faisait preuve mon aïeule: le goût en est tellement imprégnant et complexe que la "boulette" servie vous comble amplement. C'est d'ailleurs l'une des caractéristiques de la cuisine du chef: les saveurs sont très affirmées, au-delà d'une texture souvent soyeuse, onctueuse. Et il navigue sur l'acidité, ce qui correspond à ma bouche à moi. En fin de repas (mises en bouche, entrée très fortement centrée sur le marin et l'iodé, poisson de mer, caillette et dessert teinté de Valrhona pour moi), on ne sent pas le "poids" des services mais on a les papilles au nirvana. J'ai cette impression chez Sylvain Joffre (quatre années passées aux côtés de Michel Bras) également. Ces deux-là vous concoctent des assiettes extrêmement complexes, variées mais pas confuses et surtout aériennes. Je pense que chacune est le fruit d'un gros travail.

 

"Novembre au bord des Cévennes, champignons dans votre écuelle", penserez-vous. Que nenni, et c'est la raison de mon titre. Il a fait tellement sec que le menu à thème annoncé sur le site web, dont on supposait qu'il serait une ronde forestière, n'est pas "sorti". Heureusement pour la maison, et pour nous, Olivier et Stéphanie ont mis la main sur un vrai ... Forestier. C'est le patronyme de Benjamin, l'échanson maison. Je vous avais conté son parcours en janvier: il a lâchement abandonné les vodkas et les pils de la Pologne où il avait passé ses jeunes années (parents expatriés dans ce pays pour leurs affaires) pour venir apprendre le vin en France en catimini. Ce djihad bachique lui a réussi: il s'est approprié les crus de la vallée du Rhône, mais aussi de l'Ardèche profonde. C'est celle-ci qu'il nous a servie en priorité: j'ai découvert grâce à lui un cépage dont je n'avais nulle notion auparavant (si si, même votre Léon, le fouineur des raretés et le féru des oddities): le chatus (également appelé corbel dans la Drôme). L'exemplaire qui a tenu tête à notre caillette possédait une robe carmin foncé, un nez très fumé, aux fruits rouges, et des tanins fermes mais pas rudes, avec un bon volume en bouche. On pourrait le comparer au baga, ce seigneur de la

Bairrada, ou a un fer servadou très mûr (ça se produit quelquefois). J'ai beaucoup apprécié cette jolie "suggestion du jour". 

 

La petite dizaine de chambres de l'hôtel était toute prise et c'est donc la ... suite du deuxième étage qui a accueilli nos ronflements. Ce genre de luxe n'entre pas dans nos habitudes mais nécessité fait loi et c'est entre le blanc des faïences et le vermillon foncé de la décoration que Morphée a pris le relais de Comus pour m'éloigner de Trimalcion.

 

Pas d'apnée du sommeil (Apnée n'est pas le nom d'un dieu grec),

pas de triazolam (Halcion n'est pas une figure mythologique non plus),

rien qu'un peu d'extrait de racine de boldo,

ce saint patron de la ... digestion! 

 

 

 

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