COS OU CROZES, MÊME COMBAT

Du haut de cette étiquette mitée, près de 40 ans de tanins vous contemplent ...
Du haut de cette étiquette mitée, près de 40 ans de tanins vous contemplent ...

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Une surprise XXL

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

  

Mon histoire se passe en Hollande. Elle m'a été rapportée par Herwig Van Hove, professeur émérite de mécanique à la Katholieke Universiteit Leuven, chroniqueur oenologique bien connu en Flandres et animateur d'émissions gastronomiques à la télévision flamande. Je la tiens pour vraie au même titre que je le tiens, lui, pour un ami et un bel esprit.

 

L'ancien propriétaire du cru classé médocain Cos d'Estournel, M. B Prats, un homme distingué et hautain, avait été invité à présenter une dégustation verticale d'anciens millésimes de son vin à un cercle de connaisseurs et de journalistes. Il insista pour préparer et décanter lui-même les bouteilles. On mit à sa disposition un local à part ... muni d'un circuit de télévision fermé, à son insu. Il paraît qu'une rasade variable - comme la buse - de porto ruby bien vif revigora ces "grandes" bouteilles de légende. Voilà de quoi - on "aide" parfois des vintages à la crème de cassis, du côté de Pinhao aussi - se nourrit la renommée des appellations en vogue.

 

Moi, je pratique cela avec mes vieux flacons un peu décharnés, mais dont le reste de la structure laisse entrevoir un espoir de plaisir. Et je concède cette petite tricherie de bonne grâce. Il ne s'agit pas d'épater les gogos, mais de garder intact un plaisir nostalgique: un peu d'essence d'orange amère sur une madeleine de Proust, en quelque sorte.

 

Tel fut le cas de ce Crozes-Hermitage 1978 (!), acheté dès la mise en bouteilles chez un "négociant" belge, la maison G. Lafite, qui était le fournisseur attitré de mes parents. Mon autre anecdote qui tue concerne la première visite de ma mère - qui possède un certain quant-à-soi même si elle est bonne fille - chez ce marchand. Cette adresse lui avait été renseignée par une consoeur et amie - si si, cela existe - et le vendeur qui guida sa dégustation inaugurale commenta de la sorte la commande ( 24.000 francs belges, une jolie somme au début des années '80): "Pfff, mon coiffeur en prend plus!". Un fin professionnel. L'histoire veut qu'il ait été viré (mais pas clessé) peu après.

 

Il s'agit d'un vin élevé à Bruxelles et embouteillé dans un contenant de 68 cl, ce qui était l'usage chez nous. Il provenait de la Cave des Clairmonts, une petite coopérative qui existe encore de nos jours (13 adhérents) et possède des vignes autour de La Roche de Glun et de Chanos-Curson. Issu d'un excellent millésime, ce vin m'a régalé souvent mais cet ultime exemplaire, oublié dans un fond de loge et qui transita par Etterbeek, Groot-Bijgaarden, Zellik et Wemmel avant d'atterrir sous le toit de Corneilla (27°C en été) ne me laissait pas trop d'espérance.

 

Au débouchage pourtant (bouchon impeccable, mise belge, héhéhé!), il me fit quelques promesses. Je l'ai jeté dans une carafe ventrue (après élimination du dépôt), secoué comme le Dry Martini de 007 et l'ai dopé d'un rien de Maury 2010 ... Cuvée Jolo bien sûr.

 

Merde de bordel de foutre, il a fait trois heureux autour de l'entrecôte du Limousin (Biocoop Claira): la robe est revenue à un carmin de bon aloi, le petit peu de volatile (39 ans d'existence) du nez s'est ... volatilisée et les tanins, souples, ont gagné en rondeur grâce au fructose de mon VDN.

 

Ne jetez pas à l'évier la bouteille centenaire, je suis derriè-reu! 

 

 

 

 

 

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