IL NE FAUT PAS EN COURIR DEUX A LA FOIS

A. Dürer (Albertina Museum)
A. Dürer (Albertina Museum)

 

 

 

 

J'avais à peine vingt ans,

et ne me déniaisais pas 

au bordel ambulant

d'une armée en campagne ...

 

 

 

 

 

 

 

 

Mais je garde un vif souvenir de cette étude (1502) du grand peintre bavarois. C'est sans doute ce qui m'avait le plus marqué tandis que j'arpentais les salles glaciales du beau musée viennois. C'était Noël 1976.

 

Ma mère, notre Mina, votre "vioque" à tous, passe un séjour d'un mois environ ici. Comme je m'inquiète un peu de sa taille - non seulement elle ne grandit plus mais elle affiche même une tendance à rapetisser - j'essaie de bien la nourrir. Oh, il ne s'agit pas de "failure to thrive", son poids ne cause pas souci, mais quand même.

 

Elle manifeste un goût certain pour l'établissement de Lionel Giraud, en face de la piscine de Narbonne. Comme nous la comprenons, on l'y emmène au moins une fois à chaque visite. Et ce programme minimum, c'était ce midi.

 

(Je signale au passage au bon docteur Yves de ce blog que notre table est entendue lors de son passage en période de truffes, promesse du chef et

"cochon (truffier) qui s'en dédit".)

 

La salle était comble et presque uniquement composée de messieurs. Faut-il y voir le résultat précoce de l'arrivée du sourire de l'épouse du chef dans l'équipe? Celle-ci vient en effet de rejoindre le staff pour assurer l'accueil et développer le relationnel vers l'extérieur. Le reste de la brigade semble ravi et ce sont des Jérémy et Albert affairés et radieux que nous avons vus à l'oeuvre.

 

Nous sommes partis pour un "impromptu", c'est le nom du menu. Bon, un impromptu qui propose le lièvre à la royale comme "retour de chasse du jour" usurpe un peu son nom. Tant pis, nous avons croqué le lagomorphe. Vous savez que j'adore ça et la version de M. Giraud visite Carème plutôt que le sénateur de la troisième république. J'ai cru comprendre que le vin doux naturel d'Occitanie remplace le porto et il sert le tout avec une très savoureuse compote veloutée de betterave rouge. Celle-ci, sans doute cuite au four dans sa peau au préalable comme on le fait volontiers dans le sud, est réduite en un appareil onctueux et pommadé, légèrement édulcoré, qui garde le goût terreux caractéristique, un peu fumé également, du légume. L'assiette, terre de Sienne qui ne fait pas des siennes, accueille ainsi la portion (généreuse) de lièvre, sa sauce couleur lie de vin, un croquant empli d'un salmis foncé et la mousse du tubercule à côté: un camaïeu de pourpre donc. Ajoutez l'Alicante audois foncé de chez foncé choisi par le sommelier et vous aurez compris que j'ai fait bien attention à ne pas tâcher mon polo de couleur ... crème. Il n'aurait pas fallu que le grand cépage teinturier l'envoyât direct chez le teinturier (nom donné aux pressings en Belgique).

 

On signale au passage un Comté affiné 41 mois - vous avez bien lu. Il ne s'agit pas de battre un record - Guiness et le Comté, pourquoi pas ? - mais cette pâte a atteint un niveau de maturité formidable, sans âpreté, sans salinité ni acidité excessives. Mon petit doigt m'a dit que le restaurant a mis la main sur la moitié de la meule. Le chef craindrait-il un conflit armé? Kim Jong Eun menace-t-il la Robine? Ou bien le souvenir des disettes de Bucarest le hante-t-il?

 

Cela étant, je suis candidat pour le déguster à nouveau dans 6 semaines, avec les truffes ...

 

 

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