UN POISON INSIDIEUX

Pregabalin ball-and-stick model.png. (2016, November 26). Wikimedia Commons, the free media repository
Pregabalin ball-and-stick model.png. (2016, November 26). Wikimedia Commons, the free media repository

 

 

 

 

 

 

Cette molécule fait de l'effet,

mais pas celui recherché.

 

 

 

 

 

 

 

J'entretiens depuis mon arrivée à Corneilla une relation de camaraderie avec le médecin du village. Je dois être son pire patient: je souffre de 3 ou 4 affections chroniques et potentiellement très graves, mais pour lesquelles mon traitement marche parfaitement et ne nécessite que peu d'adaptations. Et je suis un ex-confrère: l'horreur totale.

 

Vous n'imaginez pas son bonheur quand j'ai présenté une vraie crise de goutte au poignet gauche, début 2017. Cela ne m'était plus arrivé depuis presque 30 ans et il espérait que ce fût autre chose comme pathologie. Hélas, le traitement antigoutteux classique a réglé douleur, inflammation et fièvre en trois coups de cuiller à pot, alors qu'il est quasiment inefficace pour toutes les autres pathologies.

Zut alors, raté, rien de neuf ni d'excitant.

 

Peu avant cela (juste avant les vendanges 2016), j'avais eu une petite alerte: comme un peu d'arthrose douloureuse à l'épaule droite, avec quelques phénomènes neurologiques, mais le tout très fugace et résolutif sans aucun traitement. Rebelote en juillet cette année, mais sur la durée. On est en France, où le "syndrome de fatigue chronique" est à la mode. On l'appelle "fibromyalgie" car cela fait plus scientifique. Moi, je pense que cela n'existe pas. C'est un autre nom pour une forme de névrose hystérique doublée d'état dépressif et je ne suis pas un hystérique, quoiqu'en pensent certains ou certaines. C'est aussi un formidable prétexte pour donner des chaires de prof. à des médecins incapables de s'orienter vers quelque chose de sérieux, et de les envoyer présenter des exposés dans les congrès internationaux. Moi-même, j'ai assisté à une demi-journée consacrée à ce sujet à un des derniers "ICAAC" auxquels j'ai assisté (fin des années 1990).

Niet zeer overtuigend - totally unconvincing.

 

On s'est alors tourné vers une entité beaucoup plus intéressante, d'autant qu'on peut la traiter efficacement: polymyalgia rheumatica. Un bilan sanguin fut effectué, qui a permis d'exclure toutes les autres maladies à craindre, mais point de syndrome inflammatoire, schnoll, zéro. Exit ce beau diagnostic.

 

Il n'en restait qu'un, d'autant que ma symptomatologie continuait de s'aggraver, et la résonance magnétique le confirma: une arthrose pluri-étagée des vertèbres cervicales, avec un petit phénomène de hernie (4 disques) mais surtout un rétrécissement de toute une série de trous de conjugaison. Bobo, ça fait mal aux nerfs concernés. Je vous lâche la grappe et on passe au sujet réel de cette chronique.

 

Une corticothérapie solide et brève améliora les choses - me guérit en fait. Mais on ne peut la maintenir très longtemps.

Mon toubib m'avait proposé, en dépit de ma méfiance, d'entamer concomitamment un traitement avec de la ...  prégabaline. De la quoi?

 

Cette molécule dont Pfizer s'est rendu acquéreur, et vend des millions et des millions de dollars par an depuis 2006, est un analogue du "GABA" (= gamma-aminobutyric acid), un neurotransmetteur qui se lie à certains canaux calciques au niveau présynaptique. A l'origine, il trouva son indication comme traitement accessoire de certaines formes d'épilepsie. Ensuite, on se rendit compte qu'il semblait marcher sur certains troubles anxieux de l'adulte. Enfin, les capitalistes veulent toujours plus de profit, on l'imposa dans certaines douleurs dites "neuropathiques" (post-zona, polyneuropathie diabétique, phantom-pain ...). Pourtant, la littérature montre des résultats très discordants, jamais mirobolants et variables dans le temps.

 

Bon, j'ai pris pendant un mois une dose faible de ce composé (2 x 50 mg par jour), car mon médecin traitant m'a avoué que son expérience trahissait des effets secondaires souvent invalidants pour une personne active et conduisant des engins ou maniant des outils. La dose habituelle va de 150 à 600 mg.

 

J'ai donc continué cette médication  après l'arrêt de la cortisone et ... les douleurs sont réapparues en trois ou quatre jours, à l'identique. Pas d'efficacité du tout chez moi, en tout cas avec cette dose modeste.

 

Par contre, moi qui fais d'ordinaire une sieste de 3/4 d'heure à une heure, cette pause dura facilement trois heures sous prégabaline, avec de grosses difficultés à m'éveiller. Idem le matin: il me fallait une heure pour émerger totalement du sommeil! En outre, j'oubliais la moitié de mes emplettes en faisant les courses, je commettais des dizaines de fautes d'orthographe (inhabituel chez moi), je ne me rappelais plus du nom des gens etc .... Clairement, mon système "gaba" à moi n'aime pas ce bidule, même à faible dose.

 

J'ai tenu bon un mois entier, puis me suis sevré. Ma concentration et mon pouvoir d'attention sont rentrés dans l'ordre en quelques semaines, ma faculté à m'éveiller a récupéré au bout de quelques jours mais une fatigue résiduelle m'accable. Et ma mémoire me laisse encore en plan plus de deux mois après l'arrêt de la prise, alors que la demi-vie sérique du produit est courte (6 heures je crois).

 

Au plan plus strictement psychiatrique, cette drogue occasionne chez moi un détachement des choses du quotidien, un aplatissement des affects et une espèce de sérénité de type zen. Ceci aussi a totalement disparu, heureusement. Je ne suis plus ni un lama, ni un rimpotché, rien qu'un vieux soulo de base. Tant mieux.

 

Une "histoire de chasse" isolée, de la casuistique si vous préférez, ne constitue pas une règle. Toutefois, pour votre Léon, cette molécule fut un flop total. Je mets donc très fortement en garde contre la prégabaline (nom de spécialité = Lyrica) dans cette indication.

 

Je pense que la littérature clinique doit être prise avec des pincettes et, même ainsi, le dossier est faible selon moi.

 

Une merde, ce truc? Je dirais volontiers: OUI.

 

 

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Comments: 3
  • #1

    Michel (Wednesday, 06 December 2017 13:51)

    Je ne suis pas sûr si un lien est suffisant pour l’utilisation. You must attribute the work in the manner specified by the author or licensor.
    Le lecteur exigeant.

  • #2

    LUC CHARLIER (Wednesday, 06 December 2017 17:23)

    Merci, lecteur exigeant. Je ne m'y retrouve pas trop dans la manière d'être en règle. Il va de soi que je souhaite toujours rendre à César ce qui lui revient, même si personnellement je n'accorde aucune valeur éthique à la "propriété intellectuelle". Mais la loi bien.
    J'ai modifié ma mention.
    Outre le désir de m'être utile, qu'est ce qui motive ton intérêt pour ces "détails"?

  • #3

    Michel (Wednesday, 06 December 2017 19:02)

    Juste parce j’en profite pour aller voir ce qu’exige Wikipedia pour utiliser leurs illustrations.
    J’ai goûté et acheté du Languedoc à une dégustation ce week-end, le vigneron belge y élabore des vins de négoce en espérant pour acheter des vignes, je lui ai parlé de ce blog...