Ici, chacun "porte sa croix"
et je ne me prends pas
pour le grand Camus,
même pas en VSOP.
J'ai fait en douze ans de temps une série d'observations inattendues. La place de l'église catholique, en tant qu'institution - je ne parle pas de foi ni de religiosité - est très importante au sein de la république française.
Je vais vous décrire cela du point de vue de l'étranger qui débarque, sinon en ami, du moins avec bienveillance.
La première fois représenta un véritable choc pour moi. La majorité de mon petit village (Corneilla) a jadis voté pour le front national (!), élisant même un maire de cette tendance. Je n'ai heureusement pas connu cette époque: je crois que je n'aurais pas installé ma résidence là. Quand je suis arrivé, l'équipe municipale, forte de cinq personnes principales, se composait d'une mairesse communiste, assistée d'un socialiste, un radical et deux sans étiquette de sensibilité centriste. Au renouvellement, j'ai voté pour eux moi-même.
Par contre, je ne suis pas habilité à voter aux autres élections françaises mais j'ai assisté à la réunion de campagne de Christian Bourquin, à présent décédé, qui fut élu plus tard président de région, d'obédience socialiste. il a présenté 80 mesures précises de son programme, bien définies. Bon, on sait ce q'il faut penser des promesses. Eh bien, parmi elles, huit avaient trait au culte, aux églises et à la religion! Et on n'a pas entonné l'Internationale à la fin. Autre ambiance que chez moi, je vous jure.
A la mort d'un des derniers papes, pas moins d'une dizaine d'officiels français assistaient aux funérailles, dont d'anciens premiers ministres et leurs épouses, en plus du chef de l'état.
A Estagel, où j'ai la majorité de mes vignes, les ressortissants communistes, ou supposés tels, assistent aux obsèques qui ont généralement lieu dans les églises.
Lors des funérailles de Johnny Hallyday, qui ont eu lieu sur le parvis de la Madeleine, c'est là que le président de la république a tenu sa brève allocution.
S'il n'avait pas malheureusement (pour lui) été trahi inopinément par des casseroles finalement assez bénignes, je pense (et je ne suis pas le seul) que M. Fillon logerait à l'Elysée à présent, alors qu'il représente une droite libérale très catholique et traditionnaliste.
Enfin, lors du drame qui vient d'endeuiller Saint-Féliu, de nombreuses manifestations à caractère officiel se sont déroulées à l'église du village (y compris des messes) et sous la responsabilité de l'évêque (sic et dixit le maire). Même plus, une chapelle ardente a été érigée dans la salle polyvalente, un bien de la république selon moi. Mais peut-être est-ce que j'accorde à ce terme une signification qu'il n'a pas ? "Chapelle" évoque bien un lieu de culte et "ardent" fait allusion aux cierges qui y brûlent.
On emploie souvent l'expression de "meilleure fille de l'église" ou de "fille préférée de l'église" pour désigner la France.
En fait, la référence exacte est "fille aînée de l'église" et cela fait suite à des événements dont l'histoire constitue la trame. C'est au 5ème siècle que les Francs envahissent le territoire de la future France et Clovis, leur roi, se fait baptiser catholique. On connaît l'histoire du "fier Sicambre" (Depone colla, Sicamber etc ...). Au 6ème siècle, le pape (Grégoire) installe fermement les rois francs à la tête des états de son obédience. Pépin-le-Bref donnera un état au pape. Charlemagne (an 800) installera le catholicisme comme religion officielle dans l'empire. Pour terminer l'édification de la famille, les rois de France se diront "très chrétiens" à partir du 13ème siècle. Il y a donc bien antériorité de la France dans sa condition d'état catholique: c'est la fille aînée.
J'en apporte le témoignage, comme un Montesquieu au rabais qui s'interrogerait au travers de la "persianité" de Rica et Usbek.
La séparation de l'état français et de son église est un mythe.
Les deux sont intimement liés.
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