ON VIDE DES "COLLECTORS"

Sur un fond de fruits de saison
Sur un fond de fruits de saison

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Nous avons bu de la mémoire, de l'esprit,

autant que du vin.

Et ce n'était pas un jour "feuille".

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

J'ai rencontré Bernard Schoffit à la fin des années '80. Sa maison de la Harth n'était pas totalement englobée dans Colmar, mais ce n'était pas non plus la rase campagne. Je me souviens que des fruits macéraient dans de grands récipients ... avant distillation. C'était avec mon ami Michel (le nucléariste) et mon ami William, résident récurrent de Séguret. Je l'ai retrouvé une paire de fois mais ne l'ai plus rencontré depuis ... pff, 25 ans sans doute. Le bonhomme est pourtant sympathique. A l'époque, il était "de peu de mots" ( a man of few words) mais chacune de ses explications était empreinte de beaucoup de sens. La bouteille que je vous montre fait partie d'un lot que Michel avait achetées pour moi.  

 

Le domaine Schoffit (pas de site web retrouvé ?) possède une propriété étalée sur plus de 60 km, au fil des acquisitions. Mais il est surtout célèbre pour sa portion du Rangen de Thann, le Clos Saint-Théobald. Ce grand cru du sud de l'Alsace (on est quasiment à Mulhouse) siège sur de la roche volcanique, du basalte: c'est un fait unique dans ces plissements vosgiens qui contiennent tant de sols différents. Ceux qui croient (et affirment) que le vin tirerait ses particularités de la roche elle-même, par ultra-filtration, osmose ou extraction sont des mystificateurs ou des idiots, souvent les deux. Mais c'est bien la roche, et les conditions physico-chimiques et d'économie de l'eau qu'elle impose, qui influencent très fort le vin produit, tant que les rendements restent modérés. Donc, oui, le vin dépend très fort de l'endroit d'où il vient, mais pas comme un fumet de poisson ou un oxtail! 

 

Cette bouteille-ci (un riesling VT de 1994) a pris avec le temps un ton orangé (niveau correct et bouchon acceptable) et sa sucrosité naturelle semble avoir diminué. Il n'en est évidemment rien. L'énolisation existe bel et bien avec le temps, mais elle ne concerne qu'une partie infime du sucre résiduel. Une autre réaction, de type Maillard, apparaît aussi et modifie un peu les arômes, en direction du caramel. Ici, la finale n'a pas pris une tournure amère et cette bouteille nous a offert un vin de méditation, entamé à l'apéro et terminé au moins dix jours plus tard. Le tout faisait penser à un Tokaji aszu. Très bon selon moi mais totalement atypique. J'aime.

 

Remontons encore le temps: c'est avant qu'Olivier Humbrecht ne réintègre le domaine familial, encore à l'ancienne cave, que j'ai été reçu par Ginette, la première fois, puis par Léonard et ses énormes mains par la suite. Que de bons souvenirs. Ensuite, c'est le fils et son Ecossaise d'épouse qui ont repris le flambeau, parfois en alternance. Je n'ai pas "connu" l'époque du passage systématique en bioD, j'étais déjà installé ou en voie de l'être. Au-delà des étiquettes steineriennes - vous savez qu'elles me font doucement rigoler quand elles sont ésotériques et sectaires - cette famille d'excellents vignerons et de bons exploitants agricoles a toujours su observer et utiliser son intelligence en se posant les bonnes questions. Et ça, ça me va.

 

Ce Heimbourg (un lieu-dit) est un "truc" bizzare, fort en pente et un peu en double dévers. Il tournicote comme un segment d'hélice hétérogène. Assez calcaire et parsemé de seuils en pierre de chaux, il accepte des rangs de vigne plantés suivant plusieurs directions. J'ai appris que ma bouteile (une VT de gewurz 1988) n'existe plus. La parcelle contenant ce cépage a été arrachée en 2012. Malgré les qualités de vigneron de la maison, le matériel végétal fourni a fini par décevoir. On connaît tous le problème des pépiniéristes sur les 40 dernières années (greffe en oméga, hormones de cicatrisation, infections virales, lavage à chaud ...). Enfin, celle-ci de bouteille n'est pas morte pour rien. La robe est or foncé et le côté très aromatique du cépage a perdu ses excès avec le temps. On croque le raisin, pas la rose ou la mangue, et pas le poivre des Pondichéry non plus. Tant mieux. Encore un beau cadavre ... exquis.

 

La troisième bouteille  est une "revenante". La maison "de Vallouit" possédait des vignes (et négociait, je crois) sur les deux rives du Rhône. Je la connaissais surtout pour ses St Jo et son Côte-Rötie. Elle a rejoint le giron de Marcel Guigal en 2001. Là aussi, je remonte à un jéroboam .... euh, pardon, au temps de Mathusalem. J'ai rencontré l'homme à la casquette en 1985-1986, nous avons passé une aprem' entière à déguster, à la cave, et son papa est venu me saluer. Héhé, the times they are 'a-changin. J'avais fait le déplacement (en TGV, au début de l'exploitation) tandis que j'étais "résident étranger" à Bichat, pour aller le voir. C'était le début de la cuvée La Turque, devenue hyper-célèbre.

 

Bon ce de Vallouit 1983, c'est quelque chose: robe carmin foncé (encore), petit nez de futaille et de volatile. Vite secouez-moi, secouez-moi! Ensuite, pas mal de volume mais des tanins qui sèchent un peu. Je ne crois pas que cela puisse s'arrondir totalement. J'en ai profité sur une côte de veau simplement grillée à sec (singée!) avec un peu de romarin, accompagnée de citrouille réduite en purée, et puis le jour suivant (càd aujourd'hui), avec une assiette de boudin blanc aux cèpes et une barigoule.

 

Voilà, on ne s'emmerde pas chez Léon.

Je ne vous ferai pas mon couplet du pôvre vigneron miséreux

mais c'est vrai que je ne suis pas trop en état d'acheter beaucoup de vin.

Je bois donc mes "vieilleries" ... sans modération mais avec délectation.

 

 

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