REFLEXIONS

 

 

 

 

 

 

 

 

A Noël, je bûche.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Lors de l’exposition Art Vinum à Stuttgart en 2009, un journaliste anglo-saxon nous avait montré les résultats de toute une série d’analyses économiques portant sur le coût de revient réel d’une bouteille de vin. Il en résultait que, quel que soit le mode de production, dans des conditions de rendement habituelles (excluant les catastrophes climatiques et parasitaires  ou bien les processus extrêmes comme pour les vins de glace ou les tries multiples de grains botrytisés), le prix de revient (au sens strict) d’une bouteille de vin ne dépassait pas 15 euros.

Il y a dix ans de cela et on peut admettre une petite majoration.

 

Un autre aspect bien sûr concerne la charge fiscale supportée en fonction, notamment, des impôts fonciers, qu’il soit bâti (demeure prestigieuse, chai dispendieux …) ou bien non-bâti (parcelles de valeur cadastrale élevée sur des appellations rares et/ou prestigieuses).

 

Les frais de commercialisation, incluant la promotion (publicité, PR envers les meneurs d’opinion ...) et les déplacements multiples sont également très variables d’une situation à l'autre. Beaucoup de consommateurs ne se rendent pas compte du nombre de "parasites" qu'ils font vivre par leurs achats de vin.

 

Enfin, les coûts financiers varieront évidemment de manière importante entre la toute petite exploitation familiale sans aucun investissement ni emprunt, et le grand vignoble acquis à prix d’or et/ou développé de novo par un investisseur.

Mais cela ne fait pas partie du « cost of goods ».

 

Il  est donc quasiment impossible, vu de l’extérieur, de définir ce qui, dans le prix d’une bouteille de vin, revient aux frais de production ou au contraire à tout ce qui s’y ajoute, sans bien sûr parler de la marge bénéficiaire.

A l’inverse, même pour le producteur, à moins de disposer d’une comptabilité analytique extrêmement fouillée – ce qui est rarement le cas – il est difficile de fixer le coût réel  de chaque cuvée.

 

Comment donc, pour le consommateur, savoir si tel ou tel vin est « cher » ou pas ?

Je crois que c’est impossible.

 

Que reste-t-il comme critère? (mais c’est vrai pour n’importe quel achat en fait).

Combien est-il prêt à payer son flacon, en général et en particulier, notre amateur de vin?

En général, c’est assez facile: je suppose que chacun se fixe des limites, dans une fourchette donnée. Cela dépend de ses revenus, de son rapport au vin, et aussi de la pression de l’entourage (dans un sens positif ou au contraire restrictif).

Dans cette fourchette, le prix qu’on veut bien payer pour une cuvée en particulier sera fonction de dizaines de critères, personnels et subjectifs pour la plupart. Il souffrira aussi quelques exceptions (bouteilles achetées en tout petit nombre ou pour une occasion exceptionnelle).

 

Je suis convaincu que des gros vignobles disposant d’analystes économiques pointus et d’ingénieurs commerciaux sont capables de « construire » un prix intégrant toutes ces données. Pour les autres, le prix proposé tient compte de l’environnement : domaines voisins  de notoriété comparable, prix du marché, négoce … avec de temps à autre une tarification sortant de ce cadre, soit dans le fait d’un prix d’appel (bas), ou au contraire d’un « coup » portant sur du bluff.

 

Je ne taille pas la vigne en novembre ni en décembre. D’autres activités m’occupent  mais, avec la toute petite récolte de cette année (vendanges 2017), j’ai peu de travail en cave. Il m’arrive donc de lire les opinions des commentateurs, surtout en passant par le net.  

Je le faisais beaucoup moins depuis  une dizaine d’années.

 

Je suis sidéré par le peu de considération accordée à cet aspect : le prix du vin, alors que, pour beaucoup d’autres activités agricoles, c’est devenu LE sujet principal. On se rend compte dans ces professions que beaucoup de producteurs ne s’en sortent pas, en dépit de leur travail acharné et de qualité. Et une espèce de conscience est en train de naître (AMAP, circuit court, petit rendement du bio) dans le grand public. Mais pas pour les viticulteurs.

 

 

Je crois que c’est lié à deux aspects majeurs : tout d’abord, les vignobles disposent d’une grande visibilité et l’exposition médiatique de ceux qui font fortune est énorme. On a l’impression, exacte d’ailleurs, que certains domaines (de grande taille pour la plupart) « se font des roubignolles en or ».

D’ autres, assez nombreux, cachent leur relative pauvreté, ou en tout cas leurs difficultés, car ce n’est pas vendeur auprès de la clientèle potentielle. « S’il ne vend pas sa production, c’est qu’elle n’est pas bonne ».

Le second facteur est à mes yeux encore plus important, même si les plus grands pays producteurs  ont du mal à l’admettre : on peut très bien se passer de vin, un produit de luxe pour la majorité des gens, même les amateurs de vin.

En France, où je vis, maintenir le plus de monde possible dans le secteur viticole est une priorité absolue, alors qu’on laisse « filer » un grand nombre d’autres exploitants agricoles, immolés sur l’autel de l’agro-industrie. Il y a là un paradoxe absolu.

 

Au moment où les mages de la Macronie portent leurs offrandes au président dans sa crèche de Chambord, au moment où les indépendantistes catalans (avec quelques côtés sympathiques par ailleurs) redonnent vie à leur fantasmes illusoires, au moment où les volatiles se font voler dans les plumes avant de nous admirer par la porte du four, je vous demande à tous, amis lecteurs, d'avoir une pensée hivernale pour tous les vignerons du monde qui se décarcassent, mieux que Ducros, pour vous offrir le meilleur vin du monde (à leurs yeux). Pensez à tous ceux qui ont souffert du climat cette année, qui des gelées et des averses de grêle, qui des inondations et des maladies, qui (comme la Coume Majou) de la troisième année consécutive de sécheresse implacable. Plus encore, pensez à tous ceux, de plus en plus nombreux, qui souffrent dans leur chair des effets néfastes de la pétrochimie et des produits phytosanitaires: cancers du pancréas, de l'estomac, fibroses pulmonaires, maladie de Parkinson, sclérose en plaques.

Merci au productivisme.

Merci à Bayer, Dow Chemicals, Rhône-Poulenc, Monsanto et tous les autres ...

 

Pensez à nous.

Buvez nos vins, sans modération mais sans excès non plus.

One bottle for Christmas kicks them  bloody doctors in the ass! 

 

 

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